HENRI WAGNEUR
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LE CIRQUE : C'EST PARFOIS L'AVENTURE !

LA TEMPÊTE DE NEIGE  No: 43  posté le 4.12.2023

Cirque Vargas, fin novembre 1980 nous étions à Santa Fee dans le Nouveau Mexique, ville située tout de même à une altitude de plus de 2'000 mètres.
Une tempête de neige est annoncée pour le soir descendant des Montagnes Rocheuses. Monsieur Vargas ne veut rien entendre pour démonter et annuler le spectacle du soir. Il demande à des ouvriers d’aller louer des chauffages, ils reviennent avec deux minuscules turbines à air chaud fonctionnant au diesel ! Imaginez-vous pour cet énorme chapiteau !
Vers 18 heures la neige commence à tomber sous la forme d’énormes flocons lourds.
Le public entre quand même sous le chapiteau, environ 1500 personnes seulement, les gens plus prudents que notre directeur étant restés à la maison.
Monsieur Vargas annonce aux artistes qu’il faut annuler les parades, et que le spectacle ne doit pas durer plus d’une heure et sans pause. Je pris juste le groupe d’Appaloosa et ne fit pas long feu, pas de rappels.

Les Wallendas ne purent même pas faire leur numéro sur le haut fil, car le chapiteau alourdi par la neige touchait déjà le fil tendu.
On évacua le public, et on démonta le gradin. Il ne fut pas possible de descendre le chapiteau, les mâts, les deux rangées de corniches et les poteaux de tour étant tous plantés profondément dans le terrain très meuble. Le chapiteau ne céda pas car il s’agissait d’une toile de coton renforcée de câbles en quadrillage.
Vers deux heures du matin une première série d’explosions en chaine se fit sentir. Il s’agissait des quatre grands mâts centraux en duralumin qui se rompirent sans se plier sous les tonnes de neige, le duralumin est un alliage léger et très solide, il est utilisé principalement en aviation. Quelques minutes plus tard se fut le tour des deux rangées de (quarter-pôles) corniches intermédiaires.
Au petit matin une vision titanesque de ce qui restait du Big Top. Seuls quelques poteaux de tour restaient debout et de leurs pointes descendait la toile le tout recouvert d’une épaisse couche de neige, le froid et le soleil semblaient se moquer de ce qui venait de se passer. On aurait dit le Cirque Maximum de Rome sous la neige. Maintenant il fallait s’occuper des animaux qui attendaient bien tranquilles dans leurs véhicules. Autour de nous un désert de neige, pas âme qui vive. Je regarde dans les cabines des semis ; rien, pas un chat ! (Tous les travailleurs du cirque à l’exception des chefs dormaient dans les couchettes des cabines de tous les tracteurs). Avec le froid et la neige les hommes étaient tous partis pour le centre où ils avaient, espérons-le trouvé une place au chaud.
Chez les éléphants ; Rex Williams avait son chef, et moi avec une trentaine de chevaux et une douzaine d’exotiques, j’étais seul avec Michèle pour m’occuper d’eux, les deux cavalières des chevaux de haute-école ne s'occupèrent même pas de leur cheval, seule Kathy Batchelor cavalière de voltige, s'est occupée de ses deux chevaux.
D’abord il fallait se trouver des habits et des chaussures adaptés au froid et à la neige, car le cirque ne se déplaçait normalement jamais dans de telles conditions. En arrivant j’avais repéré un « tack shop » à quelques centaines de mètres. Ces magasins sont des cavernes d'Ali baba pour cavaliers, on y trouve de tout, de la sellerie, bien sûr, des accessoires en tout genre, des habits de travail et aussi toute la gamme de produits vétérinaires en vente libre (antibiotiques, hormones, etc..). J’y allais d'un bon pas acheter des bottes en caoutchouc rembourrées et des vestes en mouton retourné pour Michèle et moi.
Nous voilà équipé pour passer la journée à faire des navettes à pied dans la neige jusqu’à une écurie située pas trop loin. D’abord avec des seaux d’eau, pour abreuver les animaux assoiffés depuis le soir précédent.
Ce qui n’est pas facile, car les chevaux sont attachés les uns contre les autres en travers des remorques et une seule porte à l’arrière, il faut s’enfiler sous les encolures avec deux seaux pleins d’eau. Puis la même opération avec le foin. Heureusement que le paysan avait de petites bottes de foin, vous vous imaginez avec des grosses bales rondes, dans la neige qui plus est !
A midi courte pause pour manger et essayer de parler avec Clifford Vargas, il fait la sourde oreille dans sa caravane cuvant sa cocaïne certainement, mais je sais qu’il est là, car tôt le matin j’avais aperçu un de ses jeunes minets entrouvrir la porte pour faire pisser le chien. C’était ma fois courant que lorsqu’il y avait des problèmes il rentrait dans sa coquille et gare à celui qui voulait l’en faire sortir, ses colères étaient mémorables.
L’après-midi nous continuons notre manège entre les remorques des animaux et la ferme voisine. Je crois que jamais je me suis endormi aussi vite le soir. Michèle qui m’avait aidé toute la journée était exténuée aussi.
Le réveil le matin suivant fut des plus pénibles ; nous ne sentions plus nos bras et nos jambes, quant aux dos ils chantaient la Traviata.
Après avoir pris soin de nos animaux, je parti vers la gare routière essayer de trouver quelques chauffeurs avant qu’ils ne quittent la région. Par chance je réussi à trouver quatre volontaires pour partir direction pour Tucson, prochaine place, à environ 570 miles (plus de 900km). Heureusement tous nos camions démarrèrent et nous réussîmes à sortir de la place, le fort vent ayant débarrassé une grande partie de la neige. Je conduirai l’International avec la semi contenant 18 chevaux. Michèle me suivait avec la semi de notre caravane tirée par un pick-up Dodge. Elle ne conduisait pas, car elle avait un chauffeur particulier que le cirque lui avait attribué. Je donnai mes instructions pour me suivre en colonne pas trop près les uns des autres, nous ferons une halte à environ 250 miles puis nous continuerons jusqu’à bon port. Je me souviens de la première partie de la route comme étant de grandes montagnes russes couvertes en partie de neige verglacée. Dans les descentes il ne fallait pas freiner pour avoir assez de vitesse pour arriver en haut des montées. Un vrai rallye des neiges !
Après quelques miles Michèle m’avertissait par radio CB que son chauffeur conduisait comme un pied, qu’il était trop près et qu’il freinait intempestivement.
Nous décidâmes de nous arrêter dès que possible et que Michèle conduirait désormais.
Nous arrivâmes le lendemain matin après un long trajet épique sur la place du cirque où trônait déjà le deuxième chapiteau arrivé et monté je ne sais pas comment. Nous avions en effet un chapiteau de secours qui ne suivait pas le cirque et qui était remisé Dieu sait où. Enfin Clifford Vargas avait réussi en 48 heures à le faire rapatrier et monter à Tucson. Le chapiteau était dans le même état que celui détruit à Santa Fee, c’est-à-dire plein de trous. J’avais appris que certains trous avaient été faits à la carabine pour vider des poches d’eau formées lors de pluie torrentielles.
Le surlendemain matin arrivèrent les éléphants et les camions survivants.
En effet deux véhicules manquaient ; le « stake's driver » et la « concession ». Ils avaient eu un grave accident. Le conducteur de la « concession » s’était arrêté au bord de l’autoroute verglacée et le chauffeur du « stake's driver » qui le suivait avait voulu faire le même, seulement avec la glace et la distance trop courte il n’avait pas réussi sa manœuvre et son camion chargé de toutes les pinces du chapiteau avait percuté l’arrière de la « concession », la sellette de celle-ci s’était rompue et le nez de la semi était entrée dans la cabine du tracteur. La femme du chauffeur qui dormait dans la couchette avait été tuée dans le choc.
Le soir même nous devions jouer à Tucson, le gradin ayant été sauvé ce fut possible. J’envoyai les hommes chercher les caisses contenant les harnais des chevaux.
Ces conteneurs voyageaient normalement dans la semi des toilettes. Ils revinrent bredouilles, le responsable du chargement n’avait pas trouvé ces caisses sous la neige et n’en avait avisé personne, pensant que nous les avions déjà prises dans un camion des animaux. Je décidai de présenter les chevaux sans harnais et fabriquai des cordelettes pour pouvoir les conduire jusque dans la piste. De toute façon nous n’allions pas nous énerver c’était la dernière place de la tournée.
Quelques jours plus tard, je constatais que j'avais cinq orteils violacés, ils avaient partiellement gelé pendant les exploits pour soigner les animaux à Santa Fee. J'en garde encore aujourd'hui les stigmates.

(Malheureusement dans les années 80, nous n'avions pas encore de téléphones portables pour rapporter les photos pour de tels événements !)

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