HENRI WAGNEUR
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     "GLUCOSE"
le tabouret   No: 32 posté le 22.04.2023

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Souvenir:
En 1984 nous entamions notre deuxième saison avec le cirque Moira Orfei. Nous avions passé les fêtes de Noël et de fin d’année à Turin et nous commencions un assez long séjour à Milan.

Au bout de quelques jours, les chevaux présentaient des troubles du comportement ; nerveux et bavaient passablement.  Je me mis à regarder l’intérieur des bouches des étalons. Et quelle ne fut pas ma surprise de voir des espèces d’aphtes dans les gencives, les joues, la langue et le palais.

Un vétérinaire de l’hippodrome de San Siro vint et ne sut pas dire de quoi cela provenait.

Nous avions 12 purs-sangs arabes russes pour une liberté, 3 chevaux de rappels et 4 chevaux de haute école et naturellement notre poney Domino.

Je constatai qu’au milieu de certains aphtes il y avait une espèce d’herbe plantée et que cette herbe n’était pas retirable sans la casser et en laissant un bout à l’intérieur.

Ces herbes ressemblaient à des épis d’orge mais beaucoup plus petits et très piquants, chez nous je me souviens que ce genre de graminée sauvage; En rentrant de l’école  nous nous les enfilions dans les manches des pulls et ils  remontaient en nous piquant juste en haut des bras. Les anglais appellent ces plantes « foxtail » (queue de renard).

Certaines de ces graminées ont même traversé la joue de chevaux. C’était horrible ! Mais les chevaux étaient contents de sortir au travail, à part une certaine nervosité, ils ne semblaient pas trop perturbés.

J’ai très vite vu que le foin livré à Milan avait de ces graminées. Nous cherchâmes du foin d’une autre provenance.

Les chevaux avaient de la température et urinaient rouge foncé. Je fis des dizaines de téléphones, cliniques suisses, vétérinaires de zoos, jusqu’à que le vétérinaire du cirque Knie me proposa un traitement drastique :

Il fallait donner aux chevaux un antibiotique très puissant, Ciprofloxacine de Pfizer. Qu’il fallait trouver sous forme injectable IM. Mais où me procurer une telle quantité, ce produit n’était que pour l’usage humain ? Et puis il fallait drainer les reins et le sang en faisant deux fois par jour, une perfusion de sérum salé et de glucose, soit deux poches de 1000ml à la fois (4 litres par cheval par jour). Donc si mes souvenirs sont exactes: plus de 350kg de médocs...

Pas de problème en Italie un entraineur de San Siro me donna un numéro de téléphone et je pris rendez-vous dans un bistrot pas loin de l’hippodrome. Le fournisseur me conduisit dans un parc de garages privés et ouvra le cadenas de l’un d’eux pour me faire découvrir la Caverne d’Ali Baba de médocs. Il y avait de tout pour faire gagner les chevaux et pour les soigner (peut-être même de la drogue). Je dévalisai son stock, et pris de la réserve pour traiter les chevaux pendant 8 à 10 jours.

Le vétérinaire de Knie m’avait dit qu’il fallait s’attendre certainement à des réactions locales aux piqûres et qu’il faudrait essayer de les faire dans la croupe ! Dans l’encolure des phlegmons  pouvaient apparaître. Je n’avais jamais piqué mes chevaux à cet endroit, mais ils ne réagirent pratiquement pas. Le problème était surtout les perfusions, il fallait un temps fou pour les passer et c’est là qu’intervient « Glucose » !

 « Glucose » est un vieux tabouret en bois, héritage de la maman de Michèle qui l’utilisait pour écosser les petits-pois du jardin assise devant sa maison à Chavannes-Des-Bois. Il nous acompagnait toujours, car il était pratique non seulement pour tresser les chevaux et mais aussi comme siège d'appoint.

Michèle montait dessus entre deux chevaux avec dans chaque main portée en l’air une poche de liquide à perfuser. Dans cette position le liquide coulait plus rapidement.

Nous passâmes des heures chaque jour pour les soins aux chevaux. Mais au bout de quelques jours nous devions déménager avec le cirque et nous rendre dans le Sud de l’Italie. Les animaux chargés dans les camions le dimanche soir pendant le démontage, resteraient dans les véhicules jusqu’au mardi matin dès que les écuries seraient montées. 

Mais il n’était pas question de suspendre le traitement. Heureusement ; l’immense semi-remorque des chevaux s’ouvrait des deux côtés ce qui nous permettait du côté croupe de faire les injections d’antibiotique et du côté tête, faire les perfusions. Nous nous sommes arrêtés plusieurs fois sur les aires d’autoroutes pour procéder régulièrement aux traitements.  

Chaque fois nous ouvrions les rampes nous constations avec crainte que la sciure mise sur le sol était toujours tachée de rouge.  

Le voyage se passa relativement bien, il faut noter que seuls les chevaux arabes avaient été attaqués par ces plantes. Les chevaux de haute-école, des lusitaniens n’avaient rien. Peut-être que d’eux–même ils connaissaient le danger.

Après dix jours de traitement tous les chevaux furent guéris et seules quelques cicatrices se voyaient encore dans la bouche.  

Un jour je téléphonai au vétérinaire de l’hippodrome de Milan pour lui annoncer la bonne nouvelle et il me dit qu’il avait fait son enquête sur le foin ; Il semblerait que le paysan qui nous avait vendu le foin nous garantissant qu’il ne provenait pas du bord des autoroutes, l’aurait récolté sur le terrain de l’aéroport de Malpensa-Milan. L’herbe qui y pousse est plutôt sauvage et gorgée de kérosène. Il pensait que les animaux de cirque seraient assez costauds et pour lui double bénéfice, payé pour nettoyer les abords des pistes et puis vendre le foin au cirque.

Si je n’avais pas pris toutes ces décisions, je ne sais pas combien de chevaux auraient survécus. Et aussi grâce à Michèle car si je comptais sur les Maroquins pour tenir les perfusions, ils tombaient dans les pommes.

Photo. « Glucose » est toujours avec nous, mais il a juste reçus un petit coup de peinture.


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