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FAIRE FEU DES QUATRE FERS; SIGNIFICATION ? No: 45 posté le 16.12.2023
Cette expression est apparue au 19ème siècle, mais on ne connait pas la
véritable origine, elle veut dire "partir à toute vitesse".
Moi, je crois avoir vécu la vraie signification, voici mon histoire :
En 1965 pendant que Choucas était encore à Saint-Loup sur Versoix, Mrs Audrey
Young (colocataire de l'écurie) entraînait régulièrement avec moi ses deux
pur-sang pour participer à des courses (à cette époque il y avait encore
un hippodrome à Morges et un à Yverdon). Je montais souvent Fire Bell pendant
qu'elle montait Squilla, une adorable jument alezane. Fire Bell était un grand
hongre bai âgé de 4 ans, très puissant, il était extrêmement chaud mais bien
éduqué. Mrs Young avait ramené ses deux chevaux d’Amérique lors du transfert de
son mari diplomate à Genève.
Pour entrainer les deux chevaux, nous avions trouvé un chemin herbeux qui
mesurait 1000 mètres. Ce chemin partait des bois de Versoix pour finir sur la
route entre Collex et Bossy.
Un jour nous étions partis ensemble sur ce tracé depuis les bois de Versoix en
direction de Collex-Bossy, j’étais devant comme d’habitude sur Fire Bell, nous
primes vite la vitesse de croisière... et à mi-distance il fallait ralentir un
peu car il y avait le passage d’un petit chemin agricole. Je repends Fire Bell
qui n’était pas très d’accord à ralentir et soudain :
« Crac ! » je me retrouve avec les deux rênes dans le vide, sans tension : le
filet s’étant rompu au milieu !
Impossible de ralentir et encore moins d’arrêter Fire Bell qui avait une forme
olympique (il n’était pas loin des 60km/h dans ses pointes). J’avais été le
précurseur de la monte sans mors. ! (Encore une fois en avance sur le temps).
Mais, il me fallait absolument faire quelque chose, il me restait environ 5 à
600 mètres avant la route asphaltée, très dangereuse, très glissante et qui
coupait mon chemin à angle droit. Impossible d’envisager seulement de la
traverser, car de l’autre côté il y avait une plantation de pommier avec une
clôture en fil de fer.
Dans ces conditions 500 mètres c’est très long et très court à la fois.
J’essaie de parler au cheval, mes « Oh ! Oooh ! » Restent sans succès...
A environ 300 mètres… j’envisage deux options :
-
Soit utiliser le siège éjectable, non... Ce n’est pas la bonne solution, j’ai
déjà eu avant cette aventure, plus de 10 fractures à cheval, alors il faut
chercher autre chose. Surtout à fond les manettes. Et en plus je n’ai pas de
parachute.
-
Deuxième possibilité : dévier le cheval dans un champ et le faire tourner en
rond jusqu’à épuisement du « carburant » et l’arrivée de Mrs Young avec Squilla.
C’est cette deuxième possibilité que je choisi espérant arriver à stopper le
cheval.
Il me reste à peine 200 mètres, je m’accroche d’une main à la selle, l’autre
à la crinière et me penche autant que je peux sur la droite. Prêt pour la
voltige cosaque, quoique en général c’est du côté gauche... Le cheval quitte
enfin le chemin et arrive dans le champ sur le côté du chemin, mais continue
toujours direction la route.
100 mètres...
50 mètres...
La route s’approche… Le pur-sang commence à dévier un peu sur la droite.
Plus de mètre…
Enfin le cheval longe la route et fini par sauter de travers le petit
fossé et arrive tant bien que mal sur la route asphaltée, toujours plein
tube, direction Collex.
Reste encore environ 400 mètres avant le village, sur la route toujours
à fond, et bien que ce soit en montée le cheval ne ralenti quand même
pas.
Au passage on croise un bus des Transports Publics Genevois qui
descendait justement de Collex. Pas le temps de dire bonjour au
chauffeur !
Soudain je me rappelle comment fini cette route dans le village : par un
« STOP », oui mais pas de prolongation en face, la route part à gauche
et à droite à angle droit des deux côtés.
Toujours au galop plein pot, nous passons le « Stop » ...
Pas de flic !
Ouf !
Je ferme les yeux...
http://ydel-dessins.overblog.com
Fire Bell va tout droit, entre dans la cour sans issue d’une ferme, et fini par
s’arrêter devant le mur de l’habitation à quelques centimètres d’une
petite-vielle assise sur un banc en train d’écosser des petits pois. Je me
rappellerai toute ma vie des yeux effarés de cette brave dame tombée
instantanément en catalepsie.
Je saute en bas, met ce qui reste des rênes autour de l’encolure du cheval et
m’excuse auprès de la dame qui me dit la voix chevrotante :
-
Il a le feu sous les sabots de votre cheval !
Sur le moment je ne comprends pas, mais je sens bien une odeur de pierre brulée
et constate d’énormes traces de freinage sur les pavés en pierres rondes de la
cour de la ferme. Voilà d’où provenait « le feu sous les sabots », des
étincelles provoquées par le frottement des fers sur les pierres quand le cheval
a freiné.
Mrs Young arrive sur ces entrefaites avec Squilla et constate que son cheval n’a
rien, moi, ça n’a pas d’importance !
On bricole une espèce de licol avec ce qui reste de la bride (le filet très usé
s’était rompu au beau milieu) et on rentre tranquillou à Saint-Loup.
L’histoire pourrait finir là !
Mais Mrs Young me demanda si je pouvais réparer la bride. Je lui expliquai que
le filet très usé, très ancien, était cassé au beau milieu et qu’il fallait en
acheter un nouveau.
Mrs Young ne dit qu’elle en avait quelques-uns dans sa maison à Coppet et comme
c’était moi qui devais monter le lendemain ses chevaux car Mrs Young devait
avoir une réception à la maison. Je la suivi donc jusqu’à Coppet pour prendre un
mors de rechange.
Les Young habitaient une maison au bord du lac, propriété ou louée par
l’ambassade des USA à Genève.
Quand nous sommes arrivés nous avons eu une petite surprise :
En effet Mrs
Young s’étant trompée de jour, la réception qui devait avoir lieu le lendemain
avait bel et bien lieu dans le jardin ce jour-même, il devait bien y avoir une
cinquantaine ou plus de gens très huppés, très « Channel ». Son mari avait dû en
vitesse organiser ce cocktail avec les artisans du coin (je rappelle qu’il n’y
avait, en ce temps, aucun moyen de nous atteindre, les portables n’existaient
pas). Au lieu d’aller vite prendre une douche, se changer (elle puait les
chevaux…), non !
Mrs Young est allée saluer tous les convives dans ses jeans crados et
malodorants et avec un T-shirt qui tenait debout tout seul. Je voulais opérer un
demi-tour et rentrer à Tannay où j’habitais à cette époque, mais elle m’appela
pour me présenter quelques diplomates cavaliers dont un ambassadeur français qui
monta quelques années plus tard dans mon manège. J’avais honte, je me faisais
tout petit car je ne devais pas sentir la rose non-plus.
Enfin elle alla chercher quelques mors de filet et je reparti sans demander mon
reste...
Quelques années plus tard elle refusa de suivre son mari qui devait retourner
aux Etats-Unis et ne pouvant pas y ramener ses chevaux (quarantaine) ; elle
préféra se jeter sous le train. Dans son testament elle avait demandé que l’on
euthanasie ses deux chevaux. Squilla échappa heureusement à cette volonté et
finit sa vie dans la belle propriété du banquier Edouard Pictet au pied du Jura
dans l'Ain.
CONTACTER PAR EMAIL: henri@wagneur.ch
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