HENRI WAGNEUR
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     NUNO OLIVEIRA, 23 juin 1925 - 2 février 1989

                       l'aura d'un grand Maître

                                                                  No: 31  posté le  28.01.2024

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A l'heure actuelle, où il est de mode de parler de "nouveaux maîtres", je voudrais mettre mon "grain de sel(le)" dans cette bataille de clochers. Et  une fois de plus démontrer qu'il n'y a pas beaucoup de "nouveaux maîtres", mais  des opportunistes jouant sur l'ignorance  de jeunes cavaliers.
Un maître laisse  des élèves*, des disciples** et des adeptes***, et seul le temps nous dira qui restera maître parmi les maîtres de l'art équestre.
Quand une personne obtient la notoriété universelle grâce à ses actes, on efface son prénom et ses titres et, sans lui manquer de respect, on dit alors par exemple: Pasteur, Gabin, De Gaulle, Trenet. Il en va de même pour les grands maîtres en art équestre: Xenophon, Pluvinel, La Guérinière, Baucher, Fillis ont eux aussi perdu leur prénom. A cette liste élogieuse on peut sans autre rajouter maintenant Oliveira.

Les Grecs puis la France
Un survol historique permet de voir plus clair dans la chronologie de ces personnages. Le premier véritable maître à avoir laissé des écrits sur l' art équestre fut Xenophon (400 ans avant Jésus-Christ). Les Grecs de cette époque furent sûrement ceux qui, les premiers, vouèrent au dressage du cheval un soin tout particulier. Il faut attendre quelque 2000 ans, à l'époque de la Renaissance des beaux-arts, pour retrouver des écrits de cette valeur sur l'art de dresser les chevaux, en particulier avec Grisone, écuyer à l'Académie d'équitation de Naples, berceau de toute l'équitation européenne de l'époque.

Fin XVIIe siècle et XVIIIe siècle, c'est la France, avec François Robichon de La Guérinière (je ne résiste pas à donner pour une fois ses prénoms) entre autres, qui tint le haut du pavé; on parle encore actuellement de la "haute école d'équitation classique française ". Au XIXe siècle, la France encore, avec Baucher et Fillis (un élève anglais de Baucher), fut la mère-patrie des plus grands maîtres écuyers.
Le XXème siècle est marqué par la résurgence en Europe de bon nombre d'académies équestres de toutes sortes, prénommées ou non, royales ou nationales. Dans ces institutions, un maître écuyer, reconnu internationalement et, capable de s'aligner avec les grands hommes susmentionnés, fait sérieusement défaut. Le seul qui aurait pu prétendre à ce rang était le Portugais Nuno Oliveira, élève de Joaquim Gonçalves de Miranda, lui-même élève d'un disciple de Baucher. Mais Oliveira, qui nous a quitté le 2 février 1989, a toujours été un grand voyageur à la versatilité insatiable, parcourant le monde entier jusqu'à l'épuisement, afin d'enseigner et de présenter l'art équestre dans les plus grandes écoles d'équitation, lors de manifestations, de galas de cirques ou de fêtes privées. Certes, il a formé des disciples mais, pour la plupart, ce sont des amateurs, au sens non professionnel du terme. Ils ont trop peu d'ambition pour assurer la continuité, pratiquant leur art pour leur plaisir. Son fils Joao, fin écuyer, a repris le flambeau, de même que sa belle-fïlle Sue (tous deux décédés en 2007).


Le Maître Nuno Oliveira 
au Cirque
d'Hiver Bouglione
avec Beau Geste

 
Euclide au cirque d'Hiver Bouglione      -       Beau Geste au Manège de Meyrin   

Mais il est difficile de succéder à une telle perfection sans engendrer critiques et jalousies.
Le grand hippologue Michel Henriquet (1924-2014) et maintenant son épouse Catherine ont donné tous leurs efforts pour perpétuer une véritable équitation en légèreté (qui fait grand défaut en compétition actuelle).

On peut dire sans constestation que Nuno Oliveira est un des derniers représentants de "L'équitation de tradition Française" qui est issue d'une longue histoire incarnée par des écuyers français comme Antoine de Pluvinel, Salomon de La Broue, François Robichon de La Guérinière, François Baucher, le général Decarpentry et Alexis L'Hotte. Sa pratique est fondée sur l'harmonie des relations homme-cheval, la légèreté et l'absence de contraintes. Elle a été inscrite le 27 novembre 2011 sur la liste représentative du patrimoine culturel immatériel de l’humanité par l'UNESCO.

De l'Art avec un grand A
Celui qui n'a jamais monté ou simplement vu évoluer un cheval dressé par Oliveira ne peut pas se rendre compte. Il n'y a pratiquement pas de mots pour exprimer l'impression d'équilibre physique et psychique que révélaient ses chevaux. A ce niveau, on n'ose plus parler de technique, mais simplement d'Art avec un grand A. Malheureusement pour nous (et pour les chevaux :), cette équitation n'a pas grand-chose à voir avec celle pratiquée de nos jours sur les terrains de compétition...
J'ai eu la chance de faire la connaissance du Maître en 1961, lorsqu'il amena le cheval Euclide de M. Auguste Baumeister, au manège de Meyrin. Il y ramena aussi plus tard Maestoso-Stornella, un jeune étalon lipizzan que j'avais auparavant débourré  sous le commandement de René Duclos, ancien écuyer du Cadre noir de Saumur, alors maître d'équitation dans ce manège genevois. Maestoso était resté plus d'un an au Portugal et quand je le remontais, je fus surpris de la transformation que le génial écuyer avait opéré sur ce petit cheval. Il était devenu une véritable boule de muscles et se mouvait avec une souplesse étonnante, j'ai rarement vu un lippizan effectuer les transitions passage-piaffé et piaffé-passage avec une telle continuité dans la cadence. Jusqu'en 1964, j'ai eu l'honneur et la chance de monter quelques chevaux dressés par Oliveira, parfois sous sa conduite. Il ne me donnait que très parcimonieusement ses conseils, peut-être juste ceux nécessaires pour que je ne ruine pas trop le dressage des chevaux qu'il avai formé.

Un vrai maître
Euclide, l'étalon lusitanien, était très chaud, il avait sailli au Portugal et était intenable à la main, se cabrant à peine sorti de l'écurie. Son propriétaire et moi-même devions monter dessus dans le box, mais avec Oliveira le cheval se comportait comme un agneau. Il pouvait le sortir du box sans aucun problème et l'étalon ne bougeait pas d'un millimètre au montoir. Le changement de comportement des chevaux à l'approche du " maître "  était immédiatement visible, et cette aura qui l'entourait est probablement comparable à celle qui enveloppait Frédy Knie senior lorsqu'il évoluait au milieu de ses chevaux en liberté.
Parmi ceux qui ont vu Oliveira, plusieurs pensent que sa monte divine ne s'adaptait qu'aux chevaux ibériques. Ce n'est pas exact; car si naturellement les chevaux andalous ou lusitaniens ont été ses montures de prédilection, je me rappelle entre autres un pur-sang anglais sortant des courses, Almaraz. Il avait été acheté au Portugal dans un piteux état par Mme Marie-Louise Firmenich. Ce bai-brun confié à Oliveira n'avait plus grand chose à voir avec le cheval vidé et malingre qu'il était quelques mois auparavant ; il était devenu la beauté même et travaillait avec un sérieux et une légèreté extraordinaire. Oliveira a dressé également des chevaux de race russe, anglo-arabe, et d'autres encore. Sa préférence allait aux chevaux ayant beaucoup de sang. Michel Henriquet l'écuyer parisien, rapporte dans un de ses livres, comment Oliveira avait métamorphosé Iron-Liège, un pur-sang américain connu pour être pratiquement indomptable; il avait demandé lui-même à le monter et en quelques minutes, celui-ci trottait cadencé aux limites du passage sur des rênes mi-longues. Tous les chevaux ne se donnaient pas si rapidement; Oliveira révèle dans ses souvenirs comment, en 1973, l'étalon Trovatore l'avait jeté violemment au sol et ce n'est qu'après plusieurs heures d'effort que le cheval s'était donné.


Les grands moments en Suisse
Les heureux qui eurent la chance de voir Oliveira lors de ses présentations au parc des Eaux-Vives, au manège de Meyrin, ou lors des concours de Genève ou de Lucerne, se rappelleront peut-être l'impression incomparable à la fois de calme, de force et de magnificence de ses chevaux. Je me souviens aussi, en 1962, de l'inauguration du manège de Vandoeuvres, où il avait présenté un pas de deux sur Maestoso-Stornella (petit lippizan que j'avais débourré), accompagné de Mme Firmenich sur Zafer, le cheval de M. Casthelaz, puis avait aussi monté Euclide (l'étalon de Monsieur Auguste Baumeister, que je montais aussi régulièrement), et travaillé aux longues-rênes Beau-Geste, le cheval du vétérinaire Araldo Mastrangelo. A chaque fois qu'il entrait en piste, je sentais des frissons le long de mon échine et plus d'une fois, nombre de spectateurs, témoins d'une émotion si intense, essuyaient discrètement leurs yeux, victimes de la force qui se dégageait de l'événement. Son apparition avait quelque chose de magique...

Depuis son départ, beaucoup d'élèves ou de prétendus élèves du maître apparaissent comme par enchantement. D'autres créent des écoles "oliveiristes" ! Je ne suis pas certain que de son vivant ceci aurait pu se faire.

D'ailleurs il répondait un jour à un journaliste à la question:
-"Quelle est votre méthode Monsieur Oliveira ?"
Il répondit :

-"Il n'y a pas de méthode Oliveira, il y a autant de méthodes qu'il y a de chevaux !"


D'après le Centre National de Ressources Textuelles et Lexicales:

*      Elève "...Personne qui reçoit ou a reçu l'enseignement d'un maître, ou qui se réclame de lui..."
**   Disciple "...Personne qui reçoit l'enseignement d'un maître..."
***Adepte "..Personne qui participe aux activités d'un groupe relativement restreint .."


Heureusement, il nous reste ses écrits et aussi des notes relevées la plupart par ses élèves tout au long des milliers de cours qu'il a donnés de par le monde. "L'Art équestre", qui constitue le recueil de tout son œuvre, est une véritable bible pour moi, trônant sur mon bureau. Dans mes moments de doute ou lorsque je déprime sur le dressage d'un cheval, j'ouvre ce livre au hasard, lis une ou deux pages, et me retrouve réconforté. Il suffit de tomber sur des phrases du genre:  


"Entre soutenir et tirer, il y a un monde.."
"La rêne intérieure incurve, ploie; la rêne extérieure enveloppe, assoit.."
"Il y a le tact de la main, le tact des jambes, le tact de l'assiette et le tact de la tête.."


Je reste muet après de tels propos!


Pour ceux qui voudraient retrouver des vidéos du Maître, il vous suffit de rechercher sur GOOGLE. Vous tapez son nom et vous trouverez des interviews et des vidéos. Malheureusement ces vidéos sont en noir et blanc et souvent de mauvaise qualité. Mais cela vaut quand même la peine de les regarder.


D'après le Centre National de Ressources Textuelles et Lexicales:

*      Elève "...Personne qui reçoit ou a reçu l'enseignement d'un maître, ou qui se réclame de lui..."
**   Disciple "...Personne qui reçoit l'enseignement d'un maître..."
***Adepte "..Personne qui participe aux activités d'un groupe relativement restreint .."


                                           
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